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L’objectif de ce billet est de montrer comment les prix du porc au Québec et en Ontario réagissent à des chocs sur les marchés étrangers. Dans les deux provinces, les prix du porc sont établis selon des prix de référence américains. Leurs valeurs sont donc représentatives de ce qui se passe dans les marchés nord-américains du porc. Néanmoins, les prix du porc du Québec et de l’Ontario possiblement réagissent à ce qui se passe sur les marchés du porc ailleurs dans le monde si les prix de référence américains sont sensibles aux événements dans ces autres marchés. Je montre ci-dessous comment des chocs sur les prix en Europe et en Chine affectent les prix du porc au Québec et en Ontario.

Je commence par une courte description des formules pour les calculs des prix du porc au Québec et en Ontario.

Avant février 2019, la formule du prix du porc au Québec était fondée sur la moyenne pondérée des prix négociés pour les ventes par les producteurs et ceux pour les porcins vendus par les producteurs ou selon la formule du marché du rapport LM_HG201 de l’USDA. Depuis février 2019, la formule intègre également la valeur d’une carcasse reconstituée du rapport LM_PK602 de l’USDA. Dans cette formule, le prix de référence des États-Unis est conditionnel au ratio entre le prix moyen de LM_HG201 et la valeur d’une carcasse reconstituée de LM_PK602. Si le ratio est inférieur à un certain seuil, le prix de la carcasse reconstituée sert de référence. Au-dessus du seuil, c’est alors le prix moyen calculé à partir de LM_HG201 qui sert de référence. Le seuil a été ajusté au fil du temps et je crois comprendre qu’il a été modifié dans la formule récemment convenue.

En Ontario, la formule utilise un prix de référence américain calculé à partir du rapport de l’USDA LM_HG201. Basé sur ce rapport, Ontario Pork reproduit essentiellement le prix de l’indice CME pour les carcasses de porc, sur lequel sont basés les contrats à terme. Ontario Pork désigne son prix de référence comme étant le CME Constructed 201 Price.

Les prix de référence américains sont ajustés en fonction du taux de change, du rendement des carcasses et d’autres facteurs pour calculer les prix dans les deux provinces. La figure 1 compare les prix quotidiens au Québec et en Ontario. Les deux prix sont pour des porcs à l’indice 100 et ont été obtenus auprès d’Ontario Pork. Avant les révisions apportées à la formule québécoise en février 2019, les prix dans les deux provinces se suivaient bien. Par la suite, les prix au Québec ont surpassé ceux en Ontario jusqu’en avril 2022, date à laquelle le prix du porc québécois a été coupé de 40 CAD/100 kg. Le prix du porc au Québec est demeuré inférieur au prix du porc de l’Ontario jusqu’au début de 2023 après des réductions dans les coupes de prix.

La figure 2 montre les composantes des formules de prix au Québec et en l’Ontario. Notez que les trois références (CME Constructed 201, LM_HG201 et LM_PK602) se suivent bien. Une exception a été lors du début de la pandémie en mars qui a provoqué des fluctuations plus importantes du prix de LM_PK602 que des prix de CME Constructed 201 et LM_HG201. J’ai également inclus le taux de change parce que les prix américains sont convertis en dollars canadiens dans les formules.



Étant donné leurs formules, les prix du porc au Québec et en Ontario dépendent directement des prix aux États-Unis. Des chocs sur les marchés du porc à l’extérieur de l’Amérique du Nord affectent-ils les prix du porc au Québec et en Ontario ? Cela pourrait être le cas si un choc dans un autre pays a un impact sur les prix américains, affectant ainsi les prix du porc au Québec et en Ontario.

La figure 3 montre des indices hebdomadaires des prix du porc dans certains pays. J’ai normalisé les prix après les avoir convertis en dollars canadiens pour éviter les problèmes avec les unités de mesure. J’inclus dans la figure 3 les contrats à terme américains pour le porc afin de leur l’évolution des prix en Espagne, au Danemark et en Chine. La figure ne montre aucune corrélation évidente entre les prix entre les pays, à l’exception des prix en Espagne et au Danemark. Cela laisse penser que les prix en Espagne, au Danemark et en Chine ont une faible incidence, voire nulle, sur les prix au Québec et en Ontario. J’ai estimé des modèles des prix du porc afin de vérifier si c’est effectivement le cas.

J’ai choisi le prix des porcs en Espagne pour représenter le prix des porcs en Europe. L’Espagne est le deuxième producteur de porcs en Europe après l’Allemagne. Je n’ai pas choisi l’Allemagne parce que le porc allemand a été interdit par plusieurs pays après la découverte de cas de peste porcine africaine dans des porcs sauvages en septembre 2020 et plus tard dans des porcs d’élevage.

La figure 4 montre comment les prix des porcs du Québec et de l’Ontario réagissent à une augmentation de 1 % du prix des porcs en Espagne. Les zones ombrées sont des intervalles de confiance. Le choc sur le prix en Espagne se produit dans la semaine 1. Le modèle permet au choc de s’étaler sur plusieurs semaines, car le marché américain pourrait ne pas réagir instantanément à des événements à l’extérieur de l’Amérique du Nord. Tant pour le Québec que pour l’Ontario, les zones ombragées chevauchent zéro sur l’axe vertical, ce qui indique qu’un choc de prix de 1 % en Espagne n’a pas d’incidence sur les prix au Québec et en Ontario, même après plusieurs semaines.

J’ai choisi de faire la comparaison aussi pour le Danemark parce qu’il est le troisième exportateur européen de porc, après l’Espagne et l’Allemagne. De plus, le Danemark a la réputation d’être un fournisseur fiable de porc de haute qualité et fait concurrence au Canada sur plusieurs marchés. Les exportations du Danemark en 2021 étaient comparables à celles du Canada.

La figure 5 montre que les prix des porcs au Québec et en Ontario ne réagissent pas significativement à une augmentation de 1 % du prix des porcs au Danemark.

J’utilise le prix de la viande de porc en gros en Chine puisque je n’ai pas trouvé de données pour le prix moyen du porc en Chine. La Chine est le plus grand consommateur et importateur de viande de porc au monde. Comme le montre la figure 3, le prix de la viande de porc en Chine ont grimpé entre l’été 2019 et l’été 2021 à cause de la crise de peste porcine africaine qu’elle a traversée. Au cours de cette période, les importations de viande de porc de la Chine ont augmenté significativement, en particulier d’Europe et du Brésil. Bien que les exportations américaines et canadiennnes vers la Chine aient augmenté durant la crise de peste porcinne, elles ont été ralenties par des différends commerciaux.

La figure 6 montre qu’un choc de 1 % sur le prix de la viande de porc en gros en Chine n’a pas une incidence significative sur les prix du porc au Québec et en Ontario.

Que penser de ces résultats ? Ils nous disent que les prix du porc en Europe n’ont pas d’incidence importante sur les prix du porc aux États-Unis et, par conséquent, sur les prix au Québec et en Ontario. Ce n’est peut-être pas trop surprenant car il y a très peu de commerce de porcs sur de longues distances. C’est la viande de porc que les pays échangent. Les prix du porc et de la viande de porc sont liés, mais pas suffisamment pour que les modèles trouvent une relation entre les prix du porc en Europe et en Amérique du Nord. Les résultats nous indiquent également que le prix de la viande de porc en Chine n’affecte pas les prix du porc au Québec et en Ontario. Ceci est peut être attribuable au tarif de rétorsion de 25 % imposé à compter d’avril 2018 sur les importations de produits agricoles en provenance des États-Unis. Les tarifs ont réduit les exportations américaines alors que les prix en Chine ont atteint un sommet pendant la pandémie de peste porcine africaine, ce qui a entraîné une hausse plus faible des prix du porc aux États-Unis qu’autrement, et ainsi au Québec et en Ontario.

Notez que les données hebdomadaires peuvent donner des réactions de prix estimés plus atténuées qu’un modèle avec des données quotidiennes. L’estimation des mêmes modèles avec des données quotidiennes pourrait permettre d’obtenir des relations plus fortes. J’aurais aimer avoir des données hebdomadaires sur les prix du porc brésilien pour inclure ce pays dans les modèles. En effet, le Brésil est devenu un acteur important sur le marché mondial du porc.

Bien que les modèles ne trouvent pas que les prix au Québec et en Ontario sont liés aux prix en Europe et en Chine, cela ne signifie pas que nous pouvons ignorer ce qui se passe dans ces marchés. Des opportunités d’exportation peuvent apparaître et disparaître selon ce qui se passe en Europe et en Chine. Bien que les prix peuvent ne pas fluctuer, les volumes d’exportation peuvent être sensibles aux événements sur ces marchés.