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Le P5, qui regroupe les offices de mise en marché de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario, a annoncé deux augmentations des quotas de production cet automne. La première est une augmentation de 2 % qui est entrée en vigueur le 1er octobre. La deuxième est une autre augmentation de 2 % qui entrera en vigueur le 1er janvier. Également, le P5 a émis plusieurs journées additionnelles pour l’automne 2022 et l’automne 2023.1 L’objectif visé est une meilleure correspondance entre la production et la consommation compte tenu de la baisse prévue des stocks de beurre à la fin de 2022 et en 2023. Je ne suis au courant de hausse de quota pour la production assujettis à la Mise en Commun du Lait de l’Ouest (MCLO), qui regroupe les offices de mise en marché du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

Les annonces du P5 m’ont amené à examiner les données sur la production de lait au Canada. J’ai pensé partager quelques graphiques et observations avec vous. Ce texte donne un aperçu de certaines données et s’adresse principalement à ceux qui en savent peu sur le secteur laitier canadien ou à ceux qui souhaitent un rappel des tendances récentes. Vous apprendrez à propos de la production par province, la composition du lait, les stocks et les prix à la ferme.

Commençons par examiner les données de production de la figure 1. Soyez vigilant en examinant cette figure car l’échelle sur l’axe vertical diffère selon la province ; sinon, il ne serait pas possible de voir clairement les données pour les petites provinces. Dans la figure 1 et autres figures, je ne montre pas les données pour Terre-Neuve-et-Labrador à cause des faibles volumes et parce que cette province ne fait pas partie du P5 ou du MCLO.

La production de lait a augmenté de façon constante dans les provinces du P5, mais s’est stabilisée ou a diminué dans les provinces du MCLO. Le Québec est la plus grande province productrice, suivi de l’Ontario. Le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard produisent relativement plus de lait pour consommation à l’état industriel, c’est-à-dire du lait transformé en produits laitiers. Les volumes de lait de transformation ont augmenté tandis que les volummes de lait pour consommation à l’état liquide, c’est-à-dire pour la vente au détail à l’état liquide, se sont aplaties ou ont diminué. Cela reflète la tendance à la baisse de la consommation de lait liquide, alors que la consommation de produits laitiers comme le fromage a augmenté. Comme le P5 produit relativement plus de lait de transformation, ses producteurs ont été moins touchés par la baisse de la production de lait pour consommation liquide que les producteurs du MCLO.

Les tendances de production répondent aux tendances de consommation. Ainsi, pour illustrer la tendance à la baisse dans les volumes de lait pour consommation à l’état liquide, j’ai pris les données de la figure 1, je les ai agrégées à une fréquence trimestrielle, puis je les ai divisées par des estimations trimestrielles de la population. Le résultat illustré à la figure 2 sont les volumes de lait pour consommation à l’état liquide par habitant. Le volume de lait produit pour consommation à l’état liquide par habitant a diminué dans toutes les provinces, mais à un rythme plus lent au Québec. Si l’on examine les chiffres pour le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba, nous constatons des hausses et des baisses soudaines des volumes. Je suppose que ceux-ci s’expliquent par l’ouverture ou la fermeture d’usines.

Le Québec semble en bonne position par rapport aux autres provinces compte tenu du plus lent déclin des volumes de lait pour consommation à l’état liquide et de l’importance de son secteur de la transformation. Cependant, un inconvénient est que le prix du lait pour consommation à l’état liquide est plus élevé que le prix du lait de transformation. Pour cette raison, comme nous le verrons plus loin, le prix à la ferme du lait a été plus élevé dans le MCLO que dans le P5.

Le prix du lait à la ferme dépend de sa teneur en matière grasse, en protéine et en autres solides. Au cours des dernières années, les offices de commercialisation ont tarifé les composantes du lait pour inciter les agriculteurs à produire plus de matière grasse car c’est la composante relativement rare sur le marché canadien.

Il existe différentes façons pour les agriculteurs d’augmenter la teneur en matière grasse du lait, y compris la génétique et l`alimentation. La figure 3 montre que les agriculteurs ont répondu à ces incitatifs. La part de la matière grasse dans les solides totaux a augmenté le plus en Colombie-Britannique et la croissance a été la plus modeste au Québec. La teneur en matière grasse est saisonnière introduisant ainsi de la saisonalité dans les revenus à la ferme.

Nous en arrivons à ce qui a motivé les récentes hausses de quotas. Les stocks sont utilisés pour diminuer les variations saisonnières dans l’offre de matière grasse alors que la demande pour la matière grasse est beaucoup plus constante. La Commission canadienne du lait (CCL) utilise également les stocks de beurre pour soutenir les prix à la ferme. La CCL fixe un prix de soutien auquel elle achète et vend du beurre ce qui effectivement y met un prix plancher.

J’ai calculé le ratio stocks-utilisation pour le beurre au Canada entre 2010 et 2022. Le ratio stocks-utilisation est un moyen utile de résumer la force de l’offre et de la demande. Il représente le nombre de mois au cours desquels les stocks peuvent satisfaire la consommation sans l’apport de nouvelle production.

J’ai recueilli des données sur les stocks et l’utilisation à partir du tableau 32-10-0109 de Statistique Canada. Selon ma compréhension, ces données tiennent compte des stocks des entreprises de transformation laitière et, par conséquent, elles ont tendance à sous-estimer les stocks totaux de beurre. Néanmoins, ces données représentent suffisament bien les tendances des stocks de beurre au Canada. La figure 4 montre les données. J’ai ajouté une ligne pointillée horizontale pour un ratio stocks-utilisation de 2 afin de faciliter la comparaison entre les années. Cette valeur n’a pas de signification particulière.

La figure 4 montre que le ratio stocks-utilisation était élevé en 2018, mais qu’il a diminué depuis. Il oscille autour de 2 depuis la fin de 2020. La CCL a observé que les stocks de beurre étaient de 26 158 tonnes en août et devraient diminuer à 16 000 tonnes d’ici la fin de l’année, une valeur jamais vue depuis 6 ans. Les faibles stocks observés récemment et les faibles niveaux attendus ont motivé les hausses de quotas dans le P5.

La figure 5 montre les prix du lait à la ferme au Canada selon les données du tableau 32-10-0077 de Statistique Canada. Ces prix sont des moyennes. Les fermes ne reçoivent pas toutes le même prix car leur revenu par hectolitre dépend de la concentration des trois composantes. J’ai ajouté une ligne pointillée à 80 $/hl pour faciliter la comparaison entre les provinces. Il n’y a pas de signification particulière à la valeur de 80 $/hl.

Voici quelques observations tirées de la figure 5 :

  • Les prix montent et descendent en raison des variations saisonnières dans les concentrations des composantes et des variations des prix des composantes.

  • Les prix se sont peu appréciés jusqu’à février 2022 alors que la CCL a augmenté le prix du lait à la ferme de 6,31 $/hl.

  • Les revenus sont partagés au sein des ententes de mise en commun des revenus du lait (P5 and MCLO) et, pour cette raison, les membres d’une entente ont tendance à recevoir des prix similaires. Le P5 et le MCLO ont entamé un processus de trois ans pour le partage de leurs revenus. La transition vers la mise en commun complète des revenus sera achevée en juillet 2023.

  • Les prix moyens dans le MCLO ont tendance à être plus élevés que dans le P5. Cela reflète la plus grande part du lait vendu pour consommation liquide dans le MCLO.

Je doute depuis un certain temps de l’exactitude des prix à la ferme publiés par Statistique Canada. J’ai finalement pris le temps de recueillir des données auprès des Producteurs de Lait du Québec (PLQ) et de les comparer à celles publiées par Statistique Canada. Les prix bruts publiés par le PLQ sont nettement plus élevés que les prix publiés par Statistique Canada. Cependant, après avoir enlevé les frais administratifs et les coûts de transport, les deux sources donnent des valeurs très similaires comme la figure 6 le montre. C’est rassurant. Les prix ont divergé au cours de la dernière année, mais je m’attends qu’à mesure que Statistique Canada révise ses données qu’elles deviendront plus comparables à celles du PLQ.

Bien sûr, il y aurait beaucoup plus à écrire à propos du secteur laitier canadien. J’y reviendrai éventuellement pour montrer plus de données et peut-être produire une analyse sur des questions d’actualité. Pour conclure, permettez-moi de souligner que le prix du lait à la ferme devrait augmenter de 2,2 % le 1er février 2023. Cela fait suite à une augmentation de 2,5 % mise-en-œuvre le 1er septembre 2022.


  1. Les journées additionelles de production sont des augmentations de production occasionnelles et temporaires que les producteurs peuvent utiliser. Une journée de production additionnelle correspond à une augmentation de production d’environ 3 %. Une journée additionelle de production habituellement expire à la fin du mois qu’elle s’applique. ↩︎